Francis-Benoit Pelletier
Conseiller principal – Rémunération
Avez-vous déjà entendu parler d’impact ? Habituez-vous… il s’agit du nouveau terme à la mode en gestion des ressources humaines et pour cause.
Expliquons ce concept de façon imagée. Pour ceux et celles qui ont vu le film De père en flic, rappelez-vous la scène où Louis-José Houde dans le rôle de Marc demande à sa copine Geneviève, jouée par Caroline Dhavernas, pourquoi, malgré le fait qu’elle le qualifie de meilleur gars du monde, elle ne souhaite pas que la relation aille plus loin. Elle finit par lui avouer qu’elle trouve qu’il manque de viande. S’en suit un plan sur le visage de Louis-José Houde qui illustre avec brio ce qu’est le désarroi.
La réaction de Marc est drôle dans un film, elle l’est un peu moins quand ce Marc est devant vous et que c’est de sa vie professionnelle dont il est question. « Nous te rencontrons aujourd’hui pour t’informer que tu n’as pas eu le poste, tu es un bon employé, nous voulons te garder, l’équipe t’adore, tu as des belles compétences, mais pas tout ce qu’il faut pour occuper ce poste-ci. » Cet employé qui prend cette phrase en plein visage, comment peut-il demeurer loyal et engagé ? Comment comptez-vous l’inciter à se dépasser par la suite ?
Alors comment éviter d’être dans le rôle de Geneviève et inversement d’être Marc ?
Comment optimiser notre impact ?
Définissons l’impact
L’impact est donc ce mot qui désigne ce que certains qualifient de « viande », d’autres de « houmff », bref ce qui semblait auparavant difficilement qualifiable et qui est maintenant qualifié. Il ne suffit pas de trouver un qualificatif adapté au monde des affaires, encore faut-il le définir.
Yvon Chouinard et Nicole Simard, dans leur livre ayant pour titre Impact Agir en leader, définissent le concept comme suit : « Avoir de l’impact est le résultat d’un travail constant sur soi, de la volonté de prendre des risques en essayant différentes choses, d’une passion évidente pour ce que l’on fait et bien sûr de la persévérance à travailler quelques petites choses à la fois et à les répéter. »
Cette définition implique inévitablement de travailler sur nous-mêmes et notre façon d’interagir avec notre milieu. Derrière l’impact se cache entre autres le concept de crédibilité. L’impact que nous générons dépend, selon ce que nous avons pu observer, de 4 facteurs :
1. Le facteur technique est ce qui permet à l’employé d’effectuer son rôle et ses responsabilités. Sans la présence de ces connaissances, il est illusoire de penser avoir un impact bénéfique dans l’organisation.
Les prochains facteurs sont comportementaux et agissent comme amplificateur du facteur technique qui, à lui seul, ne peut vraisemblablement pas, dans la majorité des cas, permettre un développement de carrière plein et entier et ne sert pas toujours l’organisation.
2. Le facteur personnel est la capacité de faire son travail de façon optimale. Ceci se traduira entre autres par l’utilisation de ses connaissances au moment requis, la livraison des résultats dans les temps souhaités ou l’adaptation de concepts pour répondre aux besoins.
3. Le facteur relationnel permet de tisser des liens avec nos collègues, d’être efficace dans nos échanges avec une personne ou un groupe. Ce sont les compétences qui génèrent un sentiment d’affiliation.
4. Le facteur organisationnel (contextuel) repose sur la connaissance de l’organisation, de la compréhension de son rôle à l’intérieur de celle-ci et de sa capacité à comprendre l’environnement interne ainsi qu’externe.
Ces 4 facteurs définissent les comportements devant être adoptés, et à la racine, les compétences à maîtriser pour y arriver. Si vous maîtrisez ces 4 facteurs, au final, n’est-ce pas la finesse avec laquelle vous les manierez qui vous permettra de passer au-devant, de rayonner, de sortir du lot ?
Toutefois, soyons conscients du contexte et adaptons nos comportements en conséquence. Marshall Goldsmith soulève dans son livre Triggers l’importance de l’environnement dans lequel nous évoluons. Nos comportements se modifient et il en va de même de notre impact lorsque le contexte change. Ne vous êtes-vous pas déjà demandé pourquoi vous aviez agi d’une certaine façon alors que ce n’est tout simplement pas vous ? Rassurez-vous, vous n’avez pas nécessairement un dédoublement de personnalité. L’environnement joue sur nous, en être conscient nous permet d’utiliser nos compétences et de déployer les bons comportements, ce qui au final, générera le bon impact.
Ainsi, il devrait y avoir des similitudes au niveau des compétences d’une organisation à l’autre, toutefois les comportements observables pourraient différer selon la nature de l’organisation, ses valeurs, son ADN. Ce qui explique que des individus peuvent avoir d’excellents résultats dans une organisation alors que dans une autre, le contexte fait que l’application des mêmes compétences ne génère pas le même impact, le même résultat. Peter Drucker a déjà bien résumé cet aspect : « Half the leaders I have met don’t need to learn what to do. They need to learn what to stop. » Il est donc nécessaire de s’ajuster.
Pour les employés
Il faut se préparer, personnifier notre « personnage », jouer notre rôle et accepter de se mettre sous les projecteurs. Chaque fois que vous entrez en interaction, que vous posez une action, vous êtes sous observation. Pour générer l’impact souhaité, il faut ainsi travailler sur les 4 facteurs décrits ci-haut, à condition que l’organisation ait préalablement bien pris soin d’identifier les comportements souhaités.
Les auteurs du livre Impact Agir en leader rapporte une anecdote tirée du livre The 3rd Alternative de Stephen R. Covey : « les voisins de Pablo Casals, l’un des fameux violoncellistes virtuose du monde, lui demandaient pourquoi à l’âge de 93 ans, il s’exerçait encore plusieurs heures par jour. Et lui de répondre : “parce que je deviens meilleur” ». Générer le bon impact est un art qui se maîtrise par le savoir-faire (le technique), le savoir-être (le personnel et le relationnel) et qui doit être modulé en fonction du contexte.
David Gerson, qui fut le conseiller de Nixon, Ford, Reagan et Clinton, explique que les mots ne suffisent pas pour convaincre, l’orateur doit les incarner dans ses traits de caractère et ses gestes (Chouinard & Simard, 2016).
Est-ce de la manipulation ? En partie… vous jouez le jeu. Nous vous entendons dire que c’est impossible, que vous êtes authentique. Si la dissonance entre les comportements souhaités par l’organisation et ceux que vous souhaitez mettre de l’avant est trop grande, au point que vous estimiez ne plus être fidèle à vous-même, alors peut-être n’êtes-vous pas dans le bon milieu ?
Observez la façon dont les gens réagissent. Observez le non verbal, les signes d’ouverture et de fermeture. C’est un travail de tout instant puisqu’il faut rester authentique à soi tout en adoptant les comportements dictés par le milieu.
Pour les employeurs
De votre côté, décideurs, il est important de définir les règles du jeu pour permettre à tous de jouer avec une idée claire des règles. Expliquez clairement ce que vous attendez de vos employés, pas en termes de compétences, c’est trop générique, mais en termes de comportements observables. Un exemple pour vous convaincre, demandez aux personnes que vous croisez aujourd’hui s’ils sont autonomes. Maintenant, identifiez les comportements liés à l’autonomie et demandez-leur de s’évaluer sur un continuum. La lecture se raffinera. Ça ne sera pas parfait, mais vous aurez des nuances, donc des bases pour agir.
Ces comportements vous serviront à embaucher des candidats plus près de vos besoins puisque si vous avez les comportements en tête, vous serez en mesure de mettre les gens dans des situations précises (simulations, jeux de rôles), ce qui vous permettra d’observer ou non le comportement souhaité. Vous guiderez aussi vos partenaires, les psychologues industriels, lors des évaluations psychométriques ainsi que vos gestionnaires dans l’observation des premiers mois et donc le moment où l’employé prend compte de son environnement et développe ses repères dans l’organisation.
Ils vous serviront inévitablement à développer vos employés, à leur donner du feedback et du feedfoward. Ils vous permettront également d’identifier mieux vos gens pour de futures promotions.
En résumé
« L’impact » est un concept que nous redécouvrons dans nos organisations, mais qui est loin d’être nouveau. Comme employeur, définissons le jeu, et comme employé, apprenons les règles du jeu, acceptons de le jouer et tentons de l’influencer en utilisant les comportements acceptables selon le contexte. Ce sont ces comportements utilisés au moment opportun qui nous permettront de développer l’organisation et par la même occasion notre propre personne.
Et n’y voyons surtout pas un manque d’authenticité ou de la faiblesse, puisqu’une fois que vous êtes conscient des règles et des comportements acceptés qui vous permettront d’optimiser votre impact, il vous suffira de l’utiliser à bon escient. En effet, comme le mentionne James R. Detert, professeur à l’université Virginia’s Darden School of business : « Most act of courage don’t come from whistle-blower or organizational martyrs, however. They come from respected insiders at all levels who take action because they believe it’s the right thing to do. People who succeed […] tend to exhibit certains behaviors : They lay the groundwork for action, they carefully chose their battles, they manage messaging end emotions; and the follow up after. » (Harvard Business review, novembre-décembre 2018).
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